La tisane des moines de Maylis
Vous souffrez de calculs de la vésicule biliaire ? D'infections urinaires ? De constipation ? Vous avez de l'eczéma ? Des insomnies ? Votre taux de cholestérol est un peu élevé ? Les moines de Maylis commercialisent une tisane qui vous soulagera de bien des maux. Au cours du printemps 2009, dans le cadre du Printemps des Landes, j’ai eu l’occasion de participer à une journée découverte.
Quelle est cette plante ?
Le frère Raphaël, qui accueille les participants, nous explique : « Cela a commencé comme ceci : Dans les années 50 le supérieur du monastère voyait arriver chaque année un épicier d'Hagetmau qui cueillait une certaine plante qu'il vendait pour faire des infusions. Elle avait, lui dit un jour l’épicier, des vertus qui en faisaient « un véritable trésor ». Le frère Emmanuel s’intéressa à la plante, la fit identifier et décida de la cultiver. (Jusque là les moines fabriquaient des manches à balai mais l’activité n’était plus rentable). Des recherches lui permirent de découvrir que la plante était répertoriée dans une pharmacopée chinoise. (En Chine les feuilles vertes sont utilisées comme condiment).
D'où vient cette plante ?
On la trouve en Asie, en Grande Bretagne, sporadiquement aux Etats-Unis et « dans les jardins des parents d’une bonne sœur à Angoulême », pour citer le frère Raphaël. Il s’agit d’une plante de la famille des crucifères : lepidium. Il existe une dizaine de variétés de lepidium.Ce sont pour la plupart des «mauvaises herbes » communément appelées, selon la région, nasitord, passerage, ou bourse à Judas. Celle qui nous intéresse est le lepidium latifolium (lepidium à grandes feuilles).
Comment est-elle arrivée à Maylis ?
Le frère Raphael pense qu’elle a été apportée à Maylis vers 1900 par un prêtre de la communauté qui avait été missionnaire en Asie et était venu finir ses jours à l'abbaye. Il connaissait sans doute les vertus thérapeutiques de la plante. Mais il n’existe aucun document pour corroborer cette explication.
Description
Nous avons pu observer un spécimen bien développé, planté à l'abri d'un mur. Les feuilles sont dures. Elles ont un goût piquant, un peu comme des radis qui ont trop grossi. Le goût reste dans la bouche, comme lorsque vous croquez un piment fort. A cette date, la plante n’avait pas encore de fleurs.
Comment est-elle cultivée ?
En plein champ. Comme le maïs. En rangs espacés d'un mètre. C’est une plante vivace : on repique les plants après division des touffes. La première année les plants « ne donnent rien ». La récolte se fait la troisième année. Les plants atteignent
De l'engrais ? Oui. Des traitements ? Oui, car la plante est sensible au mildiou. Mais l’emploi de la bouillie bordelaise est exclu car ce produit colore les feuilles.
De l’eau ? Cette culture ne nécessite pas d'arrosage en année normale car la croissance a lieu avant le mois de juin. Les plantes amorcent leur repousse en septembre après la récolte.
Des herbicides ? Non, car la tisane est sarclée à la main. C’est un travail qui monopolise la communauté. Le moment venu, personne n’y échappe.Mais pas question, nous assure notre guide, de prendre sur le temps de prière.
C'est à partir du 1er juin que se fait la récolte. La communauté est aussi mobilisée pendant trois jours. On coupe les tiges à la main. Pourquoi ne pas simplement faucher ? Parce qu’en fauchant on ramasserait les mauvaises herbes en même temps !
La préparation de la tisane
Actuellement les plantes sont séchées, à une température de 80°, dans un appareil assez antique, récupéré en 1980, à Darbonne, auprès d’un fabricant d’épices bien connu dont nous ne donnerons pas le nom. Il a fallu le démonter pour le transporter et le remontage a posé quelques problèmes. Mais ce nouveau dispositif satisfait les moines car le séchage est plus rapide et grandement simplifié. Auparavant les plantes étaient suspendues à un fil, comme du linge mis à sécher ! Il fallait allumer un foyer, envoyer de l’air chaud pulsé, surveiller, déplacer les plantes qui séchaient plus lentement, sans compter les risques d’incendie. Un autre avantage : les feuilles sèches gardent leur couleur verte alors qu'après un séchage naturel elles étaient grisâtres.
Ensuite il faut séparer les feuilles des tiges. Pour cela les éléments secs sont triés sur une grille puis dans le « moulin à vent ». Les tiges sont compostées, affirme le père Raphaël en réponse à une question. Pour la plupart des opérations les moines ont recyclé des instruments traditionnels de la région dont un tarare.
Les feuilles séchées sont ensuite conditionnées dans des sacs. Pour l’ensachage proprement dit les moines ont fait l’acquisition d’une ensacheuse qui a été amortie rapidement. La tisane est vendue en vrac, ceci pour des raisons de coût d’expédition. La commercialisation d’une plante médicinale est soumise à des règles qu’il faut impérativement respecter. Des analyses sont obligatoires (VRL et DJA sont respectées). Bien entendu les moines ne se soustraient pas à ces obligations. Nos avons goûté la tisane. En fait c’est une décoction, que l’on prépare pour plusieurs jours. Ce n’est pas très bon. Mis ce n’est pas ce le but recherché, n’est-ce pas ?
Avant de parler du lepidium latifolium le Père Raphaël a conduit le groupe à la petite chapelle que la communauté a restaurée. Là, les participants se sont beaucoup intéressés à la vie de la communauté. Et si cela n’avait tenu qu’à l’assistance la tisane aurait été oubliée ! Le frère Raphaël nous a renseignés avec beaucoup de franchise. Les moines travaillent beaucoup mais le cœur léger. Ils ont des moments de détente. Beaucoup de temps est consacré à la prière. Les participants sont repartis avec une impression favorable de la vie monacale.
Note importante : Une partie de ce texte, rédigé en 2009, n’a certainement en 2024 qu’une valeur historique. Je compte sur un lecteur qui rédigera les réponses aux mêmes questions. Je l’ajouterai et mettrai tous les verbes à l’imparfait.