Cagots

Publié le par R.D.

Si vous vous intéressez tant soit peu à l’histoire et au patrimoine de notre département et que vous visitez ses villes et villages on vous parlera tôt ou tard du « quartier des cagots, de la fontaine des cagots voire de la porte, ou du bénitier des cagots" dans certaines églises. Si vous posez la question : « C’est quoi les cagots ? » votre guide vous fournira une explication succincte mais se gardera de s’attarder sur le sujet. La réponse ne peut pas tenir en 140 caractères (ni même 280). D’autant plus qu’une réponse détaillée amènerait inévitablement une seconde question : « Mais pourquoi ? »
Historiquement il s’agit d’un groupe social dont les membres on fait l’objet d’exclusion, de marginalisation, d’ostracisme, de discrimination, pendant presque dix siècles. Une situation qui n’est pas sans rappeler la ségrégation aux 2tats Unis, l’apartheid en Afrique du Sud ou les intouchables en Inde.
Ceci dans un cadre réglementaire, surtout à partir du XIVe siècle, époque à laquelle apparait le terme « cagot ». Ils apparaissent dans les documents dès l’an mil. Sous des dénominations diverses, qui évoluent selon l’époque ou la région. On les nomme « chrestia, agots, gafos, gahets, gaffets, capots, gots », selon les documents.

On leur attribue des caractéristiques physiques (non avérées), on affirme qu’ils puent, qu’ils transmettent des maladies par la salive…
Ils sont soumis à des règles strictes. Voici quelques exemples cités par René Descazeaux. Ils figurent dans une sorte de règlement de police concernant les cagots de Moumour (P.-A.) en 1471.
- Interdiction d’élever du bétail, de cultiver la terre.
- Interdiction d’aller déchaussés hors de leur quartier.
- Obligation de déposer leur sac de blé à la porte du moulin pour qu’il soit moulu séparément.
- Défense de fréquenter les cabarets, d’aller danser.
En règle générale ils ne doivent œuvrer que dans les métiers du bois. Ils ont obligation de vivre dans les quartiers qui leur sont réservés, d’épouser des membres de leur caste. L’église pratique la même discrimination. Comme autrefois les lépreux, ils participent aux offices dans le fond de l’église, près de leur bénitier, ou sous le porche. Ils ont leur propre porte pour y entrer. Leurs enfants sont baptisés au coucher du soleil. Ils n’ont pas droit à la sonnerie des cloches.
         Peu à peu l’étau se desserre. En 1683 les lettres patentes du roi mettent fin à la ségrégation. Une ordonnance royale de 1723 interdit l’emploi des termes tels que « cagots » et « gahets » mais dans les actes d’état civil et notariés on s’ingénie à noter leur « statut social » en faisant suivre le nom par « charpentier » ou en donnant le nom de la ville d’origine. Et ce jusqu’au XIXe siècle. Les dictons, chansons (en gascon) qui les tournent en dérision abondent. Je cite le début  de l’une d’elles (pardon pour la graphie, c’est celle de ma source : Francisque Michel,
Histoire des races maudites de France et de l’Espagne, 1847).

De Laurède entà Lahosse
Fort chic de camin qu’y a
Meme secte, meme race
Aquiù anirats trouba
N’oublidits pas lous de Caupène
Et nous dechit pas de coustat

Avant d’aller plus loin il est important de noter qu’on ne pas trouve de cagots partout. Ils sont localisés sur les deux versants des Pyrénées le long d’un axe Somport- Jaca, soit en Béarn, Bigorre, Navarre et Aragon, et le long de l’axe atlantique jusqu’à la Bretagne. Clairement, on suit les chemins de Saint Jacques.
Dans les Landes, peu de villages y échappent. Le Dr Fay dans son
Histoire de la lèpre en France. Lépreux et cagots du
Sud-ouest, 1910, les passe en revue. Amou, Arengosse, Audignon, Baigts, Banos, Bastennes, Bégaar…. Dans chacun, il a relevé des « mentions » dans les divers actes et des traces : bénitiers, fontaine, toponyme.
       Pourquoi cette mise à l’écart ? Nombreux sont les auteurs qui ont tenté une réponse. Je n’en fais pas partie. La liste des ouvrages traitant du sujet, vous la trouverez aisément. Si vous êtes adhérent d’une médiathèque, il vous sera aisé d’en emprunter certains. Je signalerai toutefois :

         Madeleine MANSIET-BERTHAUD, Le Roman des Cagots d'Aquitaine, en trois tomes (courts) . Elle fait revivre le destin d'une communauté de cagots..
         René DESCAZEAUX,
Les cagots, histoire d’un secret 2002, très clair et documenté dans la première partie.
        
Et l'étude locale de Philippe DUBEDOUT, sur son site consacré à Doazit. Voici le lien :
http://dzt-isto.chez-alice.fr/14_gezit.htm
        Et ouvrage récent,
  Benoît CURSENTE, 
Les cagots. Histoire d'une ségrégation, Éditions Cairn,2018,
étude sinon définitive, très complète et basée sur une documentation existante, que j'aie lue, crayon en main, avec grand intérêt. Il cite longuement les divers ouvrages, articles ou thèses parus du XVIe siècle à nos jours , non sans signaler au passage les pistes qui restent à suivre pour compléter la documentation. Je vous le conseille vivement, surtout si vous avez une connaissance préalable du sujet. Vous le trouverez dans de nombreuses médiathèques locales.

Et j'ajouterai un lien vers un site des Hautes Pyrénées que j'ai découvert en cherchant une photo de porte.
http://lieux.loucrup65.fr/cagots.htm
Les images en sont extraites.

 

 

Et j'ajouterai un lien vers un site des Hautes Pyrénées que j'ai découvert en cherchant une photo de porte.
http://lieux.loucrup65.fr/cagots.htm
Les images en sont extraites.
Sur l'image de couverture, la photo de la fontaine des cagots à Mugron. Mais a-t-elle vraiment été affectée à l'usage  exclusif des cagots, et à quelle époque,  ou a-t-elle bénéficié de cette appellation à cause de sa situation dans le quartier dit de cagots ?

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