Lahosse au temps de la Révolution. L’année 1793

Publié le par R.D.

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Plus d’un mois a passé…. sans que rien ne se passe.
Le 15 janvier 1793, an premier de la République, les officiers municipaux sont réunis : ils doivent enjoindre les volontaires de partir sous huitaine.
Une note de bas de page fait état de la récrimination du citoyen Pussacq qui constate que « tous les désordres qui arrivent dans la paroisse tiennent leur source de ce que les auberges tiennent du monde pendant toutes les heures ».
Quels sont ces désordres ? Les pages du registre ne nous le diront pas. Tout au plus porra-t-on lire – ou plutôt deviner – entre les lignes que la vie du village se trouve perturbée, certainement plus que ne le laissent entendre la rareté, la brièveté ou le parti pris d’impartialité des procès-verbaux consignés dans le registre.
A la page suivante la « copie d’une lettre au verbal comme sensuit (sic) ciaprès ». Effectivement les quatre volontaires désignés en octobre dernier ne se sont pas rendus au chef-lieu. La municipalité affirme leur avoir lancé un rappel, assorti de menaces. Notons au passage qu’il n’est pas fait mention de cette désignation dans le registre  à l’époque concernée. Les heureux élus étaient : Jean Béguery, Jean Crabos, Jean domestique chez la veuve Fayet, (est-ce celui qui a sonné les cloches ?), Jean, jardinier, domestique chez Larreyre. Notez que les domestiques n’ont pas de patronyme.
Le 26 janvier le desservant Laforgue-Fourcade remet les registres de l’église. Ils sont placés  dans le coffre de la commune. Détail : le rédacteur écrit que ces registres débutent en 1697, or nous possédons  des registres antérieurs, dès 1638.
Le 3 février on a procédé à l’inventaire de l’argenterie de l’église : une croix pour donner la paix, en argent, un calice, un ostensoir en vermeil, une boîte pour porter le viatique.
Le 23 mars on ouvre un registre pour l’inscription des volontaires et dès le 26 il s’en présente quatre : Jean Laborde, domestique au Hougra, Jean Dumartin cadet métayer à Lanavère et son domestique, Jean Lafargue, et Jean Crabos, tailleur de pierre au Rousset.
On ne sait pas si les quatre premiers volontaires  sont partis, ce Jean Crabos n’est pas forcément le Jean Crabos de la première fournée.
Conformément aux instructions on a convoqué les citoyens  de 18 à 40 ans.  Comme il manque quatre noms le maire leur demande de choisir les volontaires. Les présents sont « tous unanimes  pour choisr les scrutin ». C’est ainsi que s’ajoutent : Jean Bordes (ce nom ne m’est pas connu) Jean Sepz aîné (la famille Sepz fait partie des notables), le domestique à Broustic et le domestique à Borjuzan. (Tiens, ils n’ont même pas de prénom.)
Le 7 avril le conseil se transporte dans le bourg pour vendre 5 chênes « que les malveillants ont fait couper par les soldats ».  Le produit de la vente sera employé aux réparations du presbytère.
Le 21 avril le maire,  Dazet, démissionne.

«Le citoyen Jean Dazet nommé par la confiance de la dite commune maire de Lahosse ayant un  état  et d’autres raisons qu’il ne veut  pas alléguer le forcent malgré les circonstances critiques de donner sa démission vu qu’il ne peut pas exercer la dite charge malgré l’envie de faire le bien avec toute la confiance qu’exige cette place ».
Le citoyen Larrère et la veuve Fayet remettent des armes.
Le 3 mai nouveau rassemblement des « jeunes gens  de 16 à 45 ans pour la désignation de quatre volontaires bien disposés à servir la patrie », lesquels s'ajoutent à ceux déjà désignés, portant le contingent à onze. Dazet est toujours maire.
Le 5 mai les propriétaires de chevaux sont invités à présenter « les chevaux de taille honnête, les harnais et les chariots de voiture » par devant les commissaires. Sont concernés : Daniel Daverat, Jean Gamardès, Jean Fossats, Jean Bucau, André  Pussacq, Jean Lanavère, Jean Lanavère Brocas, Jean Ducazau, Jean Sepz, Jean Béguery. Alors que ces derniers s’assemblaient surviennent Jean Béguery et  Pierre Saint Martin, ce dernier avec un pistolet dans sa poche. Il s’en prend aux officiers municipaux, « tenant toute sorte de mauvais propos ». Dazet signe le procès-verbal.
Suit la copie d’une lettre aux administrateurs du district datée du 17 juin. Le texte en est assez confus. La municipalité éprouve quelque difficulté à obtenir l’agrément pour payer l’étoffe destinée à habiller les volontaires. Le ton est celui d’une supplique, un peu désespéré.

Le 21 juillet Dazet  démissionne à nouveau. Il invoque des raisons de santé et déplore que cette charge lui « a fait perdre une partie de sa pratique ». Cependant le 1er octobre 1793 il signe à nouveau le procès-verbal. Le 12 août on procède à la nomination de Fossat comme commissaire. Cette fois, Dazet ne signe pas.

18 août. La commune établit le curé au Petit Preuilhé se réservant « une chambre et une cuisine à côté de la dite maison pour y tenir nos séances». Le document reste prudemment laconique sur la raison du déménagement mais nous apprendrons plus loin, toujours dans le registre car il n’y guère d’autres traces,  que le sieur Dartigoeyte, revenu à Mugron comme représentant du peuple, a jeté son dévolu sur le presbytère de Lahosse.

Le petit Preuilhé.


Le 20 août la municipalité rencontre encore quelques difficultés avec l’obligation de fournir des volontaires. Il manque trois hommes : l’un s’est enfui, Lanavère est exempté et demande à être remplacé et le jeune Sepz est soi-disant malade. Soi-disant, car l’un des présents affirme « qu’il ne l’est point ». Il a tout de même un certificat en bonne et due forme du médecin de l’armée. Quelques jours plus tard, Bernard, domestique au Couston, est élu pour remplacer Sepz.
Le 18 août (on revient en arrière) est incluse la liste de la récolte de froment. Y figurent 34 noms. 
Une liste intitulée : « Etat de la jeunesse de la paroisse de Lahosse », donne le nom de  ceux qui ont « reçu un billet pour le rassemblement du 22 septembre ». Elle comporte 32 noms.

Le 1er octobre nouvelle réquisition de bois de  lit, lit de plume, traversières, paillasses, matelas, couvertures et autres « ustensilles » nécessaires à l’établissement de casernes. Deux commissaires sont désignés pour les récupérer : Domenger et Dazet.
Le 19 novembre deux émissaires du district recherchent des planches et soliveaux en bois scié propres à la construction de baraques. Les officiers les ont conduits « dans les maisons où ils ont cru qu’il y en avait ».
Les 15  pages suivantes fournissent une liste des habitants du village, maison par maison. Le classement est fait par ordre « géographique » On passe d’une maison à la voisine. Ce document est précieux pour situer les maisons disparues. Il est recopié et reproduit dans ce blog sous le titre : Lahosse 93. Le rédacteur indique le nombre de décès dans l’année car le recensement a dû s’étaler sur une période assez longue.

Le 8 octobre : l’affaire Sepz n’est pas terminée. Ce dernier a été choisi de nouveau, la jeunesse estimant sa « décharge » illégale, considérée comme une injustice.
Copie d’une délibération du district en date du 24 octobre 1793.

« Considérant que l’énergie républicaine des jeunes gens laisse à désirer… » Pour le reste je laisse au lecteur curieux l’initiative de déchiffrer ce long  texte recopié de mauvaise grâce par un secrétaire  peu coopératif qui devait écrire couché sur le registre. C’est que le sieur Dartigoeyte à l’administration cantonale était très actif.

Le 10 octobre on prend une délibération pour intimer aux boulangers et débitants de vin de ne pas tricher sur la qualité ou la quantité. Sous peine d’amende dont la moitié ira au dénonciateur et l’autre aux pauvres de la commune.

Le 14 octobre, Lafosse, commissaire des assemblées primaires, mandaté par Dartigoeyte, réclame « le registre des jeunes gens requis pour la levée en masse et les états des citoyens tenus de payer la contribution en nature ». Ces documents lui sont remis.

Il présente également un autre arrêté signé Dartigoeyte qui rappelle l’obligation de « faire disparaitre tous les signes généralement quelconques de royauté, de féodalité ou de nobilité, portrais de rois ou de reines, sceptres, fleurs de lys, armoiries, cordons bleus ou autres. De quoi nous avons répondu que nous allions nous mettre en activité à cet égard ».

Le 1er novembre le conseil municipal est réuni (après avoir arrêté deux déserteurs) pour « vérifier » les fusils réquisitionnés pour armer les soldats. « Tous les habitants se sont inscrits pour remettre leurs armes à l’exception de Pierre Saint Martin « qui, après plusieurs propos les plus indécents contre la municipalité s’est permis de dire que son fusil ne valait rien ». Daverat, membre du comité de surveillance ayant fait remarquer que le commissaire vérificateur en déciderait, Saint Martin « répliqua qu’il se foutait de son fusil comme de la municipalité ». Et ajouta force  « vilains propos » notamment à l’encontre du maire. Suit une longue tirade de griefs dans un style peu « administratif ». Saint Martin n’en est pas à sa première incartade, le PV rappelle l’incident du 5 mai. Bref, « il a toujours été opposé au bon ordre et à la paix » « ne discontinuant pas de troubler la municipalité la plus tranquille ». Seuls les deux Lanavère signent avec le maire.

Le 27 novembre Marie Bastiat, « femme » de Bernard Lanavère remet 3 aunes de toile d’étoupe. Françoise Lacouture, « épouse » du citoyen Sepz apporte 3 aunes de toile de lin pour la patrie et Jacques Daraignez 3 aunes de toile d’entreméllé  pour le service de la patrie. Ce dernier tissu sert à faire des courtepointes et des tours de lit
Une « copie certifiée conforme » d’une lettre du Baron de Caupenne. La municipalité lui réclame les titres de propriété ! Ils ne sont plus en sa possession. Il les a remis à la maison commune « pour être brûlés ». Il se défend ensuite de n’avoir pas tenu les propos qu’on lui prête vu qu’il n’a jamais rencontré ses accusateurs.

Le sextidi du deuxième décadi de frimaire de l’an 2 la commune « ne voulant pas connaître d’autre culte que celui de la vérité et de la raison  s’empresse en conséquence de déposer au district l’argenterie de son église avec les objets ci-après » : En voici la liste : 1 croix, 1 lampe, 1 ostançoire (sic), 1 plat avec les burettes, les cremières,1 goupillon, 1 plat, 1 cuiller à baptiser, 1 calisse (sic) et d’autres objets dont je ne parviens pas lire le nom, le tout estimé à 4 000 livres.

Le 22 décembre une délégation de citoyens conduite par Sepz se sont rendus à l’église, comme d’habitude, à l’heure de la messe « qui n’a pas été dite ». Sepz prend la parole pour demander au maire « qu’il fut permis de faire célébrer la messe pendant la période des  fêtes de Noël » arguant que, puisque la liberté du culte était décrétée, cela ne devrait pas poser de problème d’utiliser à cette fin une partie du temple de la raison. Dazet consulte les officiers municipaux et décide qu’il ne peut statuer. Il dresse procès-verbal et enverra copie au comité de surveillance.

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