Lettres d'un Lahossais durant la grande guerre (14-18). 1917.

Publié le par R.D.

Marseille le 3 janvier 1917  Meilleurs vœux pour la nouvelle année.
Cette carte postale est signée A Debic, l'un des deux fils des instituteurs du village.

16 janvier 1917
Lettre (à l’encre) adressée à Madame Daverat.
Ma chère Jeanne
C’est un peu tard pour vous accuser réception de votre envoi et vous dire que ce fut dimanche que, couteau de tranchée et fourchette à la main, nous primes contact avec ces « delikatessen » comme diraient les boches.
Pour savourer ces bonnes choses j’avais deux convives : un normand et un habitant du Pas-de-Calais. Naturellement le tout était délicieux cependant cela n’était pas fumé comme du côté d’Arras. Inutile de vous dire que le vin de Marbieilh fut trouvé supérieur et le Graves (des armées) que nous avions comme supplément au vin ordinaire était bien pâle à côté de lui.
Encore une fois je tiens à vous dire que je suis réellement confus de votre attention ….
Que vous dire maintenant de l’existence ici ? Depuis plus d’une semaine nous avons un peu de neige tous les jours. Aujourd’hui elle tombe plus abondamment, malgré cela la canonnade ne cesse pas autour de Verdun. Quelle triste existence mènent nos pauvres combattants !
J’en ai vu pas mal les 21, 22, et 23 du mois dernier descendant des tranchées. On n’a jamais vu des chemineaux, des trimardeurs ayant pareil aspect. Beaucoup souffraient des pieds, marchant quand même sous la pluie glaciale, heureux malgré toutes leurs souffrances de sortir vivants de cet enfer qu’est Verdun. Beaucoup de prisonniers boches étaient dans nos parages en ce moment, lamentables ils étaient aussi et souffraient plus que les nôtres des rigueurs de la saison.
Enfin, espérons que 1917 ne se termine pas sans nous amener cette paix tant désirée et la fin de toutes les horreurs qu’entraîne la guerre. Elle n’a que trop duré.
J’ai appris que Joseph vous avait fait une agréable surprise de nouvel an et je suis heureux de le  savoir toujours en bonne santé, mieux que moi il pourra vous causer plus longuement des tragiques évènements actuels. Je fais des vœux pour qu’il sorte indemne de cette terrible guerre.
J’ai toujours de bonnes nouvelles de maman et espère aller à Lahosse vers le 20 ou 25 du mois de juin.
PS. Cordial souvenir à Joseph quand vous lui écrirez.
Je ne parviens pas à lire la signature mais il s’agit certainement de son cousin Henri Noël  Cassiau.  

Mercredi 24 janvier 1917 (lettre écrite à l’encre, au retour de permission).
… Je crois savoir  que vous êtes restés longtemps sans nouvelles. Cela tient aux trois ou quatre jours que j’ai mis à rejoindre le groupe. La poste n’était pas là et par conséquent je ne pouvais vous écrire. Tu auras su par mes lettres que je ne suis pas allé dans la forêt à ?; J’ai attendu à B. que le groupe y revienne. Fernand, après qu’il a quitté V., ne doit pas être bien  loin de moi. Mais où ?
Ecris-le-moi dès que tu pourras. Nous sommes ici pour une dizaine de jours et je pourrais tâcher d’aller le voir si c’est possible.
Nous avons une température pas ordinaire. Hier il y avait 10° au-dessous de zéro. Aujourd’hui il fait encore plus froid. Les journées, par contre, sont magnifiques. Le temps est très sec et clair. Le soleil réchauffe un peu. J’aime autant cela d’ailleurs que la neige ou la pluie. J’ai bien ri de l’aventure de Pierre. Tu as bien raison d’ailleurs : ça n’arrive jamais qu’à lui. Il a dû récolter quelques jours en arrivant à Pau.
Pas grand-chose de nouveau par ici. Avez-vous de nouvelles du 18e corps ? Ils ne doivent pas être très heureux en ligne avec le temps qu’il fait. Il y a très longtemps que François n’est pas venu en permission, il me semble.
Que faites-vous à la maison ? Vous devez être très occupés aujourd’hui par votre cuisine de porc. Chose assez drôle, le fermier chez qui nous sommes cantonnés est arrivé ces jours-ci en permission, venant de Dax où il est resté assez longtemps à l’hôpital

Samedi 26 janvier 1917
Deux mots un peu  à la hâte pour que tu aies des nouvelles par ce courrier…. Nous sommes beaucoup plus près de Paris qu’il y a deux semaines et le courrier devrait arriver plus tôt. La dernière lettre n’a mis que trois jours. C’est bien dommage que je ne connaisse pas la nouvelle résidence de Fernand car nous partirons certainement sous peu et nous irons certainement à Gr. Dans quelques jours il n’y aura plus ici que des vieux papas. Il en est déjà arrivé une quarantaine venant d’un peu partout, du 142e, du 418e….  Autant de brancardiers vont partir demain ou après demain les remplacer. La relève va se faire ainsi en plusieurs fois, mais très rapidement, à part quelques exceptions, je vais rester à peu près seul au milieu de tous ces territoriaux.
Hier un superbe lapin de quatre livres. Aujourd’hui, rien. Demain il y aura peut-être quelque chose. Il ne fait pas très bon courir d’ailleurs. Il souffle une vent glacial qui vous pénètre jusqu’aux os. Heureusement que le fermier chez qui nous sommes a eu la bonne idée de nous laisser entrer dans une sorte de fournière derrière la maison. C’est assez bien fermé, le bois n’est pas rare et quand il n’y a rien à faire nous ne sortons guère du coin du feu. C’est là que nous passons les longues soirées. On cause de chasse, de pêche, de mille histoires du pays. On ferme les yeux et on a un instant l’illusion d’être loin d’ici, au coin de la grande cheminée de son chez soi.
Je connais très bien l’abbé Duthil. Il est aumônier du groupe d’artillerie de la division et je l’ai vu très souvent. Mais il ne doit pas me connaître. Je ne lui ai jamais causé.
Vous avez dû être très occupés cette semaine avec votre cuisine de cochon. Et il était beau le monsieur. Il a dû vous en donner du lard.

Lundi 29 janvier 1917
Je viens de recevoir ta lettre du 26. Tu vois qu’elle m’arrive très vite. Hier j’ai eu une dépêche de Blanche. Je n’y ai d’ailleurs pas compris grand-chose. La poste a dû oublier quelque mot. Je me doute que Fernand est du côté de Neuilly-Saint-Front. C’est tout. Mais c’est encore bien loin d’ici.
Tu as raison de dire que M.  a de la chance. 12 et 8 ! Ça commence à compter. Et Marc, que fait-il ? Il doit être occupé lui aussi maintenant qu’Émile est parti.

Je recevrai probablement ton colis demain. Il me tarde de goûter votre cuisine d’autant plus que l’ordinaire n’est pas bien fameux ces jours-ci. L’effectif est double et on ne mange pas si bien qu’avant. Tous les territoriaux sont arrivés et quels hommes, grands dieux ! Vieux, sales, barbus. Quelle vie ça va-t-il être pour nous. Il n’y a que la moitié des nôtres qui soient partis. Le reste partira demain ou après demain. Ils s’en vont à la  Ferté Gaucher,  dans un camp, au sud-est de Coulommiers. Quand ils seront partis je ne sais pas comment nous allons vivre pendant quelques jours. En dehors des inaptes à l’infanterie nous sommes tout juste les deux étudiants qui restons. Ça n’a rien d’intéressant.
Je crois d’ailleurs qu’il y aura avant longtemps un retour à l’ancien système, car tous les officiers du service de santé protestent et ont raison. Les trois quarts de ces territoriaux ne sont pas capables de porter un blessé à 10 mètres. Ils seront cent fois plus malheureux chez nous que dans leur ancien régiment. Ils étaient à l’arrière à travailler sur les routes et ici ils vont se trouver sous les marmites d’une autre façon. Enfin tout cela ne me touche pas beaucoup.

Notre coiffeur est parti. Il faudrait bien que tu m’envoies tout l’attirail que j’avais rapporté, rasoir, blaireau, savon.

 Jeudi 12 février 1917
Je viens de manger un superbe faisan. Il était délicieux. C’est la première fois que j’en mange et mon dieu je suis assez satisfait. Avant hier j’ai eu la chance de faire cette belle prise en même temps qu’un lapin. Hélas nous partons demain à 6 heurs 30. C’est à cause de ça que je t’écris si tard. Il est plus de 8 heures. Nous montons et je n’espère guère voir Fernand. Il est beaucoup trop sur la gauche. Je n’ai pas de chance. Tant pis. C’est bien dommage que nous partions. Avant longtemps je crois que nous en aurions pris des faisans  et des lapins ! Il fait un froid de chien. Chaque fois qu’il faut manger il faut faire dégeler le pain et le vin. Tout est glacé.

Samedi 23 février 1917
(lettre à l’encre sur papier rose, enveloppe assortie).
… Je suis toujours au même  endroit et le séjour n’est pas bien dur. Le plus ennuyeux c’est le mauvais temps. La pluie nous est revenue et pour ceux qui sont dans des postes éloignés ce n’est pas très agréable. Je descends mardi prochain. Je n’ai pas grand besoin de repos. Mais plutôt de prendre l’air. Dupouy est parti en permission, du moins je crois. Il vous aura apporté de mes nouvelles. Nous serons relevés vers le 5 paraît-il et par des troupes qui étaient là avant nous. Ça me permettrait peut-être de voir Henri.

Jeudi 22 février 1917
J’ai eu le plaisir hier de recevoir ta lettre du 18,  partie de Biarritz ….  J’écris toujours à Lahosse car tu dois y être revenue. J’ai été surpris d’apprendre que Charles Hébrard était malade. C’est une chance de tomber malade chez soi, puisque ce n’est pas très grave. Il aura une longue convalescence et ne sera pas fâché de son aventure.
Fernand doit être en permission en ce moment. Dis-lui combien j’ai regretté de ne pas le trouver à G. Si je parvenais à me déplacer sur la gauche je pourrais peut-être le voir car nous ne sommes pas très loin malgré tout.
J’ai ouvert ce matin la boîte du dernier colis. La bécasse était délicieuse. Il y avait bien longtemps que je n’en avais pas mangé et je me suis régalé. Je remercie beaucoup Marc et je le félicite pour sa chasse.
Nous sommes ici dans le secteur du 144. Il y a un petit cimetière où sont enterrés les morts de ce régiment. Je n’y ai trouvé le nom d’aucune connaissance. Pierre doit être très content d’avoir quitté Pau. Qu’est-il allé faire à Toulouse si on l’a mis dans une usine ? Il ne doit pas être très heureux.

Lundi 24 février 1917
… Voici quatre ou cinq jours que je n’avais pas eu de lettres … elles arrivent avec beaucoup de retard. J’ai eu hier le colis du chemin de fer. Les boîtes étaient tout écrasées mais rien n’est gâté quand même. Je t’assure que toutes ces provisions ne pouvaient m’arriver plus à point. Je suis dans un poste  perdu au milieu de la campagne dévastée, loin des coopératives, loin de tout ravitaillement, aussi tu peux croire que nous avons fait honneur à ces bons suppléments.
Le brouillard s’est levé ce matin et il fait moins froid. Depuis une semaine nous étions dans une mer de nuages. On n’y voyait pas à dix mètres en plein midi. Je descends la nuit prochaine pour une semaine de repos. Je ne suis donc pas bien fatigué. Il n’y a rien eu ces huit derniers jours. Tout a été calme. Ce n’est que par une lettre de Gabrielle que j’ai appris la naissance du petit garçon de Blanche. Je ne savais encore rien. Que faites-vous à la maison ? Maintenant que vous êtes débarrassés de toute la cuisine du porc et des oies vous devez être un peu plus tranquilles.

Dimanche 25 février 1917
… La correspondance marche très bien. Les lettres arrivent au bout de trois jours, quelquefois deux.  Je n’ai pas reçu d’autres nouvelles de Biarritz. Tu dois être de retour à Lahosse probablement.
Ici pas grand-chose de nouveau. Le secteur est toujours calme. Je suis allé voir le cimetière du 144. Qui n’est pas loin de V. Il y a beaucoup de noms que je connais, mais c’est vrai aussi qu’il y a beaucoup d’homonymes. Il a les tombes de deux prêtres, le lieutenant Delmas et Dominique Salles. Il me semble qu’ils sont du côté de chez vous. J’y ai vu des noms connus : Depons, Brocas, Rigault, Roger Moresmau et d’autres dont je ne souviens pas.  A peu près tous ont été tués en janvier 1915. Je voudrais bien faire un tour du côté de G. mais ça ne m’est guère facile. Cette nuit il a gelé assez fort et personne n’est fâché  car il commençait à y avoir une boue épouvantable.

Mardi 27 février 1917
Avant-hier j’ai reçu la lettre de Marie m’annonçant la nomination de Fernand à l’intérieur. J’en suis très heureux pour Blanche. Hier soir ta lettre du 22, qui  était ouverte par la censure et  a été retardée de deux jours,  m’a apporté une triste nouvelle. Je n’en ai pas été trop surpris car vous me faisiez prévoir que le pauvre oncle n’irait pas bien loin. Malheureusement ça a été vrai et cela fait un mort de plus dans la famille. Tu n’es rentrée à la maison que hier probablement et tu as dû passer plus d’une semaine sans nouvelles des miennes. Tu as appris en rentrant tous mes déplacements et mes occupations depuis une quinzaine de jours. Tu vois que ça ne va pas trop mal. Deux ou trois nuits en suivant il y a eu un peu de tapage mais ce n’est pas grand chose et le jour tout est calme.
J’ai reçu le colis de Marie et je t’en remercie beaucoup surtout des crêpes qui m’ont régalé. Je t’assure que ces friandises font plaisir dans ce pays où l’on n’a que ce qu’on touche à l’ordinaire.
Il y a au Génie de la division un Gastambide de Bayonne. Je ne sais si tu le connais. Je me demande où est passé Pierre. C’est bien de lui de ne pas donner de ses  nouvelles.
Ma foi tu as bien fait de me dire que Carnaval était aujourd’hui fait huit jours. Je ne me doutais pas que nous étions en Carême bien que nous fassions quelque peu maigre ces jours-ci. Le temps passe je ne sais trop comment. On ne se rend compte de rien. Jeudi comme dimanche, tous le jours se ressemblent ici. On manque de points de repère et ce n’est que grâce aux lettres que l’on écrit qu’on cherche à savoir la date du jour où on se trouve. On n’est pas plus malheureux d’ailleurs de vivre de la sorte. Je ne me plains pas du tout. Le temps est à peu près sec. Nous sommes tranquilles. Nous avons du feu. Si la nourriture n’était pas souvent un peu maigre loin du groupe, si nous ne manquions pas totalement de vin et de tabac je me plairais cent fois plus qu’à cette diable de ferme de B. où il faisait si froid.

Trois lettres adressées à Marie

5 février 2017 (tampon de la poste)   Dimanche
Ma chère Marie
Je te remercie et tu remercieras ta mère pour le colis que vous avez eu l’amabilité de m’envoyer. Le tourin que tu as fait était très bon. Nous sommes encore au repos mais pas pour longtemps. Dans deux ou trois jours nous prenons les tranchées. Nous avons ici un froid très rigoureux. Ce matin nous avions 20° au-dessous de zéro. C’est très dur pour les soldats qui sont logés dans des baraquements où il fait très froid. J’ai la chance d’avoir un bon cantonnement car je couche dans le bureau où faisant du feu toute la journée il fait très bon.
Georges

SP 218 14/2/1917
Ma chère cousine
Excuse-moi tout d’abord si je n’ai pas répondu par retour de courrier à ta très aimable lettre reçue la semaine dernière. J’aime mieux te dire franchement la raison : j’ai toujours la plume en horreur et de cette affection je ne guérirai jamais car je la crois passée à l’état chronique. J’ai eu tort il est vrai de ne pas consulter à ce sujet notre très sympathique major. Il est peut-être temps encore mais je verrai plus tard après … ma permission. Je ne trouve rien d’ailleurs à broder sur les évènements qui se déroulent autour de nous, ils sont si monotones !
Notre situation dont nous sommes si las est cependant très enviable pour ceux qui passent leur existence dans les boyaux, tranchées et souterrains. En deux mots comme en mille, mieux vaut le dire carrément, les cousines seulement nous font défaut.
Il fait très froid me dis-tu en Chalosse. Pourtant par les journaux nous  savons que le Sud-Ouest et Biarritz tout particulièrement ont été favorisés d’une température très supportable. Vous devrez pouvoir tenir puisque ici nous résistons à une moyenne de – 25 ° depuis trois semaines. Le pain ne peut plus  se couper au couteau, il faut avoir recours à la scie. Quant au vin, il est journellement mitigé de glaçons.
Nos soldats prisonniers, comme tu le dis, doivent être cruellement éprouvés par cet hiver si rigoureux. Nous en avons eu ici aussi sur le front de Verdun qui avaient un aspect bien lamentable et je me rappellerai toute ma vie de ceux que j’ai vus descendre avec les pluies glaciales de fin décembre.
Merci pour les nouvelles que tu me donnes de mes compatriotes mobilisés comme moi, malheureusement il faut toujours compter quelque nouveau disparu.
J’ai toujours de bonnes nouvelles de maman et il me tarde de la revoir pour la réconforter un peu. Pendant cette interminable guerre c’est elle qui me donne le plus de souci. J’ai appris avec plaisir que  Joseph est toujours bien portant et qu’il a la chance d’occuper en ce moment un secteur de tout repos. On peut dire même le plus tranquille de  tout le front. Je fais des vœux pour qu’il y reste jusqu’à le fin des hostilités qui, espérons-le, ne se fera plus longtemps attendre. Maman à dû te dire que je comptais être en permission de vingt jours à Lahosse dès les premiers jours du mois prochain.

Ce lundi 19 février 1917
Bien chère cousine
A mon tour de t’adresser un tout petit mot mais un grand remerciement. J’ai reçu en parfait état ton dernier colis et comme hier c’était dimanche j’ai fait avec un camarade, un biarrot qui travaille avec moi, un gentil petit repas. Je te promets que le pâté a été englouti sans traîner de même que la succulente cuisse d’oie. J’ai réservé pour ce soir la boîte de conserve et les saucisses. Mais, autre agréable surprise, je trouve encore un autre colis en mon nom venant de Mugron. Décidément je suis favorisé et cela me permettra de faire de bons casse-croûte le matin. Malgré que je ne me dépense pas autant qu’avant l’appétit est resté toujours le même surtout quand je suis sûr de goûter à quelque chose de bon. Pour l’incident du sous-marin, j’avais lu cet entrefilet sur les journaux mais j’espère qu’il ne se renouvellera pas de sitôt. Un peu d’exercice pour les artilleurs qui occupent le poste de la Barre.
Pas grand-chose de nouveau à t’apprendre si ce n’est que je vois arriver à grands pas le 12 mars jour où je m’embarquerai pour Biarritz.Vais-je avoir plus de chance que la dernière fois où je n’ai pas eu un jour de beau temps ? …
Ton cousin Henri

Dimanche 4 mars 1917
Ma bien-aimée maman, … J’ai appris ton retour à Lahosse. Tout s‘est bien passé pendant ton absence ? Je vois que Marie a eu quelques histoires avec la belge. Comment cela s’est-il terminé ?
Je suis toujours à V. mais j’ai déménagé. Il a fallu changer de cave. Pendant deux nuits ces diables de boches ne nous ont pas laissés dormir. Je ne sais pas ce qui leur a pris à nous sonner comme cela pendant deux jours. Maintenant tout est redevenu calme et nous sommes dans une cave plus solide.
Je ne suis vaguemestre que le temps que nous resterons ici. Nous ne sommes ici que 50. Le reste du groupe est resté là-bas. Je ne fais qu’aller chercher notre courrier au village à côté où le porte le vaguemestre du Génie.
J’ai bien ri de notre indisposition. Mais je m’étonne bien car pendant vingt jours, vin, pain, viande, tout ce que nous mangions était gelé.  Donc je t’assure que je n’ai jamais été malade. J’ai été content d’apprendre que Fernand était nommé dans les Landes. Mais je m’étonne que ce soit pour soigner des civils. C’est bien ennuyeux qu’on supprime tant de trains. Heureusement que je ne suis pas près de revenir en permission. On a le temps de les rétablir.

Jeudi 8 mars 1917

 Je te remercie beaucoup de la lettre d’hier et du mandat. J’ai reçu aussi le dernier colis. … Je n’ai pas revu Georges. Ils ont été relevés il y a deux jours et sont maintenant à l’arrière Le 142 est par là mais je n’ai pas encore vu François. Il ne fait pas bon circuler et je n’ai pas non plus trop le temps. Il y a une couche de neige de près de vingt centimètres. Il y a longtemps que je n’en ai pas vu si épais mais je crois qu’elle sera vite fondue. Je ne sais pas trop si nous sommes encore ici pour longtemps. Les boyaux sont finis. Maintenant on nous fait nettoyer des caves. Il n’y a plus grand travail.
… Adieu ma chère maman. Il faut que je parte chercher le courrier. Je n’aurai probablement pas le plaisir de te lire aujourd’hui puisque j’ai eu hier une de tes lettres.

Lundi 12 mars 1917
… Nous sommes toujours à V. ça va à peu près bien. Pas trop joli temps mais enfin ça peut aller. Il y a juste un mois que nous sommes là et nous ne faisons pas grand-chose. Je ne sais pas si nous allons rester longtemps mais on ne parle pas de  relève. Demain je vais rester tout seul des anciens. Tous les jeunes qui restaient à relever s’en vont demain dans un centre d’instruction Cette fois je vais rester bien isolé avec tous ces territoriaux qui arrivent comme remplaçants.
Que faites-vous à la maison ? Qu’y a-t-il de nouveau ? Marc n’a pas de chance avec les sangliers. Il serait très heureux je suppose d’en tuer un. La chasse  est à peu près terminée. Il ne doit y avoir plus guère de gibier. Je n’ai pas de nouvelles de personne. Je commence à trouver le temps long ici. Voudrais-tu m’envoyer quelque chose à lire ? Je ne sais pas trop quoi par exemple.

Mercredi 14 mars 1917
… Je vois que vous profitez du beau temps et que l’on travaille ferme un peu partout. Qu’as-tu fait planter au petit Cabé ? Du bordelais? Je crois que le piquepoult n’est pas en effet très brillant. Le terrain ne se prête donc guère à aucune autre culture, accidenté comme il est. Si Marc y sème de la luzerne ce sont les lapins en effet qui vont être joyeux. Ils l’aiment beaucoup. Que devient le petit chien de M. D’Auvezan ? Il doit grandir. Je me demande si Marc a revu les sangliers. Je m’étonne quand même qu’ils restent à la barthe car le bois n’est pas très touffu. Les chiens qui quêtent le sanglier sont assez rares. Il faudrait de petits labrits du Marensin. Ca serait une belle prise. Avec le fusil à   , je suis sûr que Marc ne le manquerait pas même de loin. C’est une affaire de chance. Il faut tomber dessus.
As-tu toujours la …  ? Elle doit joliment piailler avec les vaches. Maintenant qu’elle n’a plus les belges elle ne peut s’en prendre qu’à lui lorsqu’elle en a marre de courir. La famille du Hougra est bien éprouvée. Je trouve étonnant que le jeune homme soit mort quinze jours après avoir été amputé. Il a dû survenir quelque complication grave. Sans cela je ne comprends pas qu’il soit mort si tard. Je n’ai plus revu Georges B ? . Son régiment a été relevé. Il doit être à l’arrière maintenant. Le 142 est à trois ou quatre kilomètres d’ici, plus à l’arrière. Je passe tout l’après-midi à aller chercher le courrier et je n’ai guère le temps de courir ailleurs. Le secteur est toujours à peu près tranquille. De temps en temps les boches essaient quelque coup de main et ce n’est pas le moment de mettre le nez dehors. A part ça il ne faut pas se plaindre, ils ne nous embêtent pas trop. Qu’est devenu Pierre Cassiau ? Où est-il employé maintenant ? Blanche m’écrit de Gabarret. Elle doit être heureuse que Fernand soit rentré définitivement mais c’est bien dommage quand même qu’on l’ait planté là car ce ne doit pas être très commode de Montfort d’aller dans ce pays. Vous devez être bien gênés par la suppression des trains ? Ça n’a rien d’agréable pour les permissionnaires. Enfin, d’ici ma prochaine permission tout cela changera peut-être.

Vendredi 16 mars 1917

Me voilà depuis hier revenu à l’arrière, à une vingtaine de kilomètres des lignes.  C’est plus calme que là-haut mais les baraques où nous sommes logés ne valent pas les petites caves si chaudes de V. J’ai été terriblement surpris par ta dernière lettre qui m’apprend l’état de tante Emma. C’est bien triste. Depuis je n’ai pas  de vos  nouvelles. J’ai reçu aujourd’hui ton colis mais pas de lettre. Ce sera pour demain. Dans une cave de V. j’ai trouvé le tableau de service de l’infirmier du 144.  J’y ai lu le nom de Peyrou (?). C’est sûrement là que Théo est resté pendant si longtemps avec tout le corps. Il ne devait pas être malheureux.

Dimanche 17 mars 1917
(Lettre à l’encre, en-tête Le Foyer du Soldat Union franco-américaine).
J’ai eu tout à l’heure le plaisir de lire ta lettre du 13. Je t’en remercie beaucoup. Je suis confortablement installé au Foyer du Soldat : un baraquement bien propre où l’on trouve de quoi lire et écrire. Si j’avais moins de travail j’y passerais de bons moments mais mes malades ne me laissent guère de loisirs. C’est égal, on est mieux ici que là-haut, d’autant qu’il y a eu quelques coups ces jours-ci en ligne. On ne parle toujours pas de relève et pourtant, depuis deux mois que nous sommes là, elle ne devrait guère tarder. Ce n’est pas tant pour la relève car ici, mon dieu, je suis loin d’être mal, mais c’est pour les permissions. Il me tarde d’aller faire un tour au pays et de pouvoir vous embrasser tous. Je crois que Leymarie va rentrer ces jours-ci. J’aurai peut-être par lui quelques renseignements sur votre situation. Il a eu vingt jours de convalescence et je crois bien qu’il en a profité pour prendre une deuxième inscription.
Depuis quelques jours il fait très beau. Je me demande si les boches ne vont pas en profiter pour pousser une attaque sur quelque point du front.
J’ai reçu une lettre d’Arsague avec deux boîtes de bon civet. Marie me dit que Joseph de Lamothe n’était pas loin de moi il y a quatre ou cinq mois. Il est dans une ambulance, paraît-il.

Dimanche 18 mars 1917
Je te remercie beaucoup de ta carte et des deux colis reçus hier. …Ici il fait des jours superbes. Ce n’est pas trop tôt. Je crois que l’on en profite. Les journaux de ce soir nous ont apporté des nouvelles sensationnelles : prise de  Roye, Bapaume, Lassigny. Tout cela sent bon. On finira par ébranler les lignes boches. Il me tarde de recevoir des nouvelles de Cassaigne. Il se trouvait dans ce secteur depuis quelques jours et a dû faire l’attaque. Moi je suis très bien. Un peu de repos loin des marmites ne fait pas de mal. Cette après-midi j’ai fait une bonne partie de football. Ça m’a  délié les jambes que j’avais bien engourdies depuis deux mois. 

Lundi 19 mars 1917
J’ai reçu tout à l’heure ta bonne lettre du 16. Je vous remercie beaucoup de vos souhaits et de vos prières. Mon saint patron est puissant et peut-être par son intercession verra-t-on la fin de cette terrible guerre. Si tu savais comme le bouquet m’a fait plaisir ! C’est comme un parfum de chez nous que ces violettes m’ont apporté. Et je vous suis reconnaissant du fond du cœur de votre attention. Je t’écris par un permissionnaire qui mettra ma lettre à B. V.. Ça me permet de te dire un peu où je me trouve. Je suis descendu de Vauclère jeudi dernier et me voilà revenu au groupe à Saint-Thibault, tout près de Bazoches, un peu à gauche de Fismes. Ici nous sommes tranquilles. Les derniers temps les boches se réveillaient là-haut et commençaient à nous ennuyer. Nous n’avons pas grand-chose à faire ici. On promène, on ramasse de la salade, on va voir les avions. Dans une escadrille tout près d’ici j’ai vu deux avions boches en excellent état. Ils ressemblent beaucoup au Nieuport. Les ailes sont plus relevées et le moteur est    ,,, comme de juste. L’un a encore les ailes noires mais l’autre a été peint. On lui a  mis de superbes cocardes qui doivent faire frémir sa vieille carcasse de boche.

Figure-toi que le type à qui je donne la lettre est de Gabarret. Il nous est arrivé du 142e territorial comme remplaçant des jeunes. Je lui ai dit d’aller voir Fernand et Blanche. J’espère qu’il le fera.

Vendredi 30 mars 1917
… Nous sommes toujours au même endroit et si le temps que nous avons continue il y a des chances pour que nous y restions quelques jours encore. Nous perchons juste en haut d’une crête et dieu sait si ça monte ! Il me tarde de revoir les beaux jours.
Je me suis régalé avec le pigeon. Les crêpes aussi étaient délicieuses. Je te remercie beaucoup de tout cela. Tu ne dois pourtant pas manquer d’occupations maintenant que Marie est à Mugron. Commet va tante Emma ? Ce n’est pas cette vilaine saison qui va la guérir très vite. Heureusement que les vignes n’avaient pas encore poussé. Sans cela tout serait gelé ! Pas grand-chose de nouveau par ici. Je m’ennuie passablement dans ce diable de pays. La seule distraction serait de courir les bois à la recherche de quelque sanglier, mais avec ce temps, pas moyen de sortir. Depuis le réveil des boches je n’ai pas eu de nouvelles de Cassaigne. Il m’avait écrit deux ou trois jours avant. Je ne tarderai sûrement pas à avoir une lettre des siennes. J’espère bien que cette fois encore il s’en sera sorti. Il n’y a d’ailleurs pas eu de grandes attaques puisque les boches étaient partis. C’est plutôt maintenant que ça va commencer.
Les permissionnaires vont rentrer probablement demain soir ou dimanche matin. J’aurai de vos nouvelles par Dupouy et des nouvelles toutes fraîches aussi de Fernand et Blanche par celui de Gabarret. Il me tarde de les voir renter. Ca fait tant plaisir de causer du pays de temps en temps et des siens avec quelqu’un qui arrive. Le colis du chemin de fer ne tardera probablement pas à arriver. J’aime autant l’avoir ces jours-ci car pour Pâques il y des chances que nous serons en ligne et je pourrais très bien passer quinze ou vingt jours sans avoir mon colis….Les exemptés et réformés ont-ils passé la visite ? Raphaël et Paul de Saint-Jouan sont-ils pris ?

Paris le 11 mars 1917
Ma chère Jeanne,
Tu as dû trouver drôle de ne pas recevoir de mes nouvelles au moment de la nouvelle année. Je t’assure que j’en ai été bien empêchée. J’ai reçu douze réfugiés du Nord de la famille de Madeleine qui se sont fait évacuer au courant de décembre. Tu vois d’ici l’arrivée de ces gens-là après avoir vécu deux ans avec les allemands, sous leur régime, avec toutes les privations qu’on leur a imposées. Je t’assure qu’ils étaient heureux de revoir des connaissances loin d’eux. Le père de la belle-sœur à Madeleine a été fusillé pour avoir rendu des services aux français. Tu juges dans quelle désolation est cette  famille. Je les ai nourris et couchés pendant quinze jours chez moi et chez Madeleine, couchés sur des lits, des matelas par terre et sur les fauteuils. Tu vois le déballage de leurs paquets ! Je t’assure que malgré ma bonne volonté j’ai été contente de les voir partir. Un des gendres qui est mobilisé à Saint-Valéry sur Somme leur a loué une maison meublée et ils vivent là-bas. Je n’ai donc avec moi que la belle-sœur à Madeleine et qui est placée dans une école à Paris. Elle loge chez Madeleine et prend les repas chez moi. Comme tu vois, ma chère Jeanne, j’ai laissé toutes mes correspondances dans le moment. Et pour m’en  remettre je viens d’avoir un panaris  au  pouce de la main droite. Je me suis piquée avec une arête de poisson. Je suis restée un mois sans pouvoir rien faire de la main droite. Je commence à m’en servir. Tu vois ce n’est pas de chance. Et vous tous, comment allez-vous ? Et Joseph, as-tu toujours de bonnes nouvelles ? Mon gendre est toujours à Vannes et Jean dans ce moment je ne sais où il va aller. Il revient de la Somme. Et Justin a-t-il toujours des nouvelles de ses fils? … Crois-tu cette maudite guerre. Je frémis à la pensée du grand coup qui se prépare. Ton amie …..

Une carte à Marie signée H. Cassaiu A. C. Secteur postal 136
Bien chère cousine,
Je suis de retour à mon poste depuis samedi 22 heures. Très long voyage mais j’étais en nombreuse compagnie ce qui fait que je ne me suis pas trop ennuyé. J’ai eu le plaisir de voir Pierre Courié à son école car je suis passé par Paris.
Toujours en bonne santé je vous en souhaite de même.

Dimanche 11 mars 1917. Lettre à Madame Daverat. L’orthographe est respectée.
Je vous remercie de votre lettre que j’ai reçue avec beaucoup de plaisir surtout d’apprendre des nouvelles du pays qui font passé le temps. Je suis toujours en bonne santé pour le moment.
Nous somme au repos mais se n’est pas pour nous reposer c’est pour travaillé tous les jours nous fesons des tranchées de fortification et on par tous les jours jusqu’à la soupe du soir il y a trois kilomètre pour aller au travail il a fait mauvais temps et il a neigé et très froids aujourd’hui le soleil à l’air de vouloir paraître mais les jours viennent longs le froid n’est plus à craindre nous voilà le printemps qui arrive. Vous me dites que je suis pas loin de M. Joseph mais je croit que nous en somme bien loin nous autres nous sommes à Clermont oise.
Madame Daverat je termine ma lettre en vous en voyant le bonjour à mademoiselle Marie à M. Marc une poignée de main.
Dupouy François

Mercredi 4 avril 1917
Il y a quelques jours que je ne t’ai pas écrit. Nous nous sommes déplacés et nous voilà revenus dans nos anciennes baraques d’il y a 10 jours. Il n’y a pas grand chemin à faire mais quelle route ! Je me demande quand est-ce que nous verrons la fin de cette triste pluie qui détrempe tout. C’est bien ennuyeux.J’ai reçu hier ton colis et tout à  l’heure la lettre du 30 …. Les œufs étaient bons mais les choux-fleurs avaient tourné et ne valaient pas grand-chose. Je n’ai pas encore reçu le grand colis mais j’ai peur de le voir arriver. Il est à peu près certain que les œufs se seront cassés. Enfin, tant pis si l’omelette est faite en route. Je ne tarderai pas à être renseigné. … Avez-vous reçu une lettre que je vous ai envoyée par un permissionnaire vers le 20 ou le 21 ? La correspondance n’arrive pas très vite.
Vous me parlez de permission mais hélas ce n’est pas le moment. Elles sont à 3% et je suis sûr que la moitié de ceux qui sont avant moi ne sont pas passés. Tous ces changements ont causé un grand retard. Et en ce moment il est question de tout autre chose que de permissions. J’en ai au moins pour deux mois.Dupouy est revenu mais ne m’a pas appris grand-chose. Il a vu Marc à peine deux minutes. Pas grand-chose de neuf. Le mauvais temps nous ferme dans la baraque du matin au soir.
Ma lettre t’arrivera pour Pâques. Je vous envoie mes plus affectueux sentiments pour cette grande fête que je passerai en prières avec vous.

Le 18 avril 1917  une petite lettre de Bernarde à Marie.
Voilà bien des jours que j’avais l’intention de vous écrire mais vous ne sauriez croire combien j’ai été occupée depuis le jour de l’an. D’abord nous avons encore eu nos filleuls en permission au commencement de février, puis les comptoirs des ventes de charité à organiser. J’ai été vendeuse au buffet : c’est très amusant. Ajoutez à cela mes cours ménagers, puis le catéchisme car deux fois par semaine je vais aider nos sœurs de Saint Vincent de Paul pour le catéchisme des garçons. … Mes frères viennent de terminer leurs vacances. Malheureusement il n’a pas fait très beau temps.  .. Nous voici sans pâtisserie fraîche avec la perspective de deux jours sans viande. Quant au beurre, il est introuvable et hors de prix. Les anglais raflent tout en Bretagne en Normandie. Jusqu’à 15, 16 francs le kilo. Les États Unis qui entrent dans la danse. L’Allemagne va finir par avoir l’univers entier contre elle. ….  Comment allez-vous tous ? Et votre Joseph, où se trouve-t-il ?
Est-il dans les régions d’offensive ? S’il en est ainsi, vous devez être bien inquiets, mais néanmoins nous aimons  croire que vous en avez toujours de bonnes nouvelles.
Voilà la classe 18 partie. André a rejoint son corps ces jours derniers. Ma tante est désolée comme vous pouvez penser. Mais enfin il faut dire que ces jeunes ne verront probablement jamais le feu, car la guerre finira peut-être plus vite qu’on ne croit.

Plus rien jusqu’au...
Mercredi 24 octobre 1917
… Nous sommes presque à la veille d’être relevés. Je crois beaucoup que nous partirons vendredi ou samedi. Nous sommes très bien ici mais depuis que nous sommes seuls le temps nous paraît un peu long. Nous n’avons des nouvelles de personne. Nous sommes comme des perdus dans notre trou et je ne serais pas fâché bientôt de revoir le groupe et tous mes camarades. Le porc que tu m’as envoyé était excellent. Les œufs à la tomate aussi. Je me suis régalé avec tout cela. Je vois que Marc a pas mal commencé la chasse. Je souhaite qu’il ait aussi bien continué. Tu me dis que tu m’enverras une palombe, tu es bien bonne mais une recommandation : tu enlèveras le foie les poumons et surtout ne mets pas dans la boîte du pain et des rôties. Je me souviens que je ne sais plus quand tout cela s’était gâté et avait donné un peu de goût à la palombe. Par exemple je ne sais pas si ma lettre t’arrivera assez tôt. Il y a plus d’un mois que je n’ai pas vu Leymarie. Il me tarde de savoir le résultat de la réunion du 15 à Paris. Si tu sais quelque chose dis-le moi je te prie mais je doute que le groupement ait obtenu quelque chose.

Vendredi 23 novembre 1917.
.. pas grand-chose de neuf. Nous sommes toujours au même endroit et il court de nouveaux bruits. Nous irions passer l’hiver à peu près dans le même secteur que cet été. Ce serait plus agréable que de partir dans un secteur d’attaque. En tous cas ma permission se rapproche et si le pourcentage n’est pas diminué je partirai vers le 3 ou le 4. Tu vois que ce n’est pas bien loin. Je me demande même si Marie sera de retour. Elle m’écrit et me dit qu’elle attend Henri. Il est vrai qu’il y a encore quinze jours et Biarritz n’est pas bien loin. Par ici rien de neuf. Toujours un très vilain temps. La pluie continuellement.  Marc n’a pas de chance. Je m’étonne qu’il n’y ait pas encore de bécasses. C’est pourtant la saison.

Mercredi 28 novembre 1917
… Je te remercie beaucoup du mandat … Ce n’était pas la peine de l’envoyer car je compte être  sous peu parmi vous.
…. (Un passage illisible car presque effacé).

Pour le briquet c’est un peu tard on n’en fait plus pour la bonne raison qu’on ne trouve pas  d’obus. Dans le secteur d’attaque il y en a à profusion mais par ici il tombe très peu de marmites et personne ne s’en plaint comme tu penses. J’en ai bien un qui est fait depuis longtemps mais il y a  des initiales pourtant je puis bien les faire effacer et en faire mettre d’autres. Je vais demander à mon aumônier.J’ai eu une lettre de Marie qui dit qu’elle ne sera pas revenue à mon arrivée et me demande d’aller la chercher. Cela ne m’ennuie pas d’aller à Biarritz mais je serai heureux aussi de passer mes dix jours bien tranquille avec vous, sans falloir continuellement courir voir l’un et l’autre.….

Marie me dit que Diane a failli s’empoisonner. Qu’est que c’est que cette histoire ? Tu ne m’en as pas parlé !

Une lettre signée G. Daverat
Bordeaux le 13 décembre 1917
Chère Jeanne,
Je viens de mettre en gare 2 caisses de pots vides. J’y ai ajouté 5 kg de sucre pour que tu puisses sucrer Noël. Je ne sais pas s’il arrivera au but j’en aurais mis davantage mais je crains beaucoup qu’il disparaisse avant son arrivée.
Tu dois avoir les colis dans trois jours.  Ne les laisse pas traîner à cause du sucre car il est bien défendu de le faire voyager. Quand j’aurai une occasion je t’en enverrai d’autre.
Si Joseph était passé j’aurais forcé la dose et lui aurais remis des cartouches pour le mousqueton de Marc pour le sanglier ça sera pour un prochain voyage.
Autrement rien de nouveau que la misère en quatre volumes. Comme tu me parles des chandelles de résine je pourrai t’en procurer un peu. J’en ai pour mettre à la courroie de mon moteur quand ça glisse et je la conserve toujours en cas d’évènements. Nous espérons que Joseph s’arrêtera à son retour, il ne sera pas si pressé qu’en allant voir les siens.
…Ma femme te fait prier si tu as des haricots de lui en envoyer un peu que tu ajouteras au compte avec le confit et le vin. Merci d’avance.


 

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article