Lettres d'un Lahossais durant la grande guerre (14-18). 1918.

Publié le par R.D.

J’ai bien eu le plaisir de lire la longue lettre de Marie du 21. … Elle doit être à Biarritz le 1er septembre. Je ne savais pas que Fernand était à Montfort. Sa permission doit être finie. A-t-il apporté de bonnes nouvelles ? Est-ce qu’il copte rester au Mans ? Je ne sais pas quel temps vous avez eu ces jours derniers. Ici il fait une chaleur accablante Je me baigne de temps en temps mais il faut en avoir réellement envie car il y a à peine 1,50 m d’eau et beaucoup de vase. Je regrette bien l’étang superbe où j’ai pris deux bains en descendant des lignes. A la tombée de la nuit nous faisons quelque jeu de football. Enfin on s’arrange pour passer son temps le mieux possible. Nous avons été privés de repos depuis assez longtemps pour apprécier celui-ci. Pour certains c’est presque une permission. Nous sommes à 40 kilomètres à peine de P et ceux qui sont de la capitale font venir leur famille ou vont la voir. C’est agréable. Pour nous, que nous soyons ici ou en Lorraine, c’est toujours le même … ? . Nous sommes partout aussi éloignés de chez nous.

 

Lundi 26 août 1918

Je profite du départ de Dupouy pour lui remettre une lettre qui, je l’espère, t’arrivera plus vite que par la poste. Le pourcentage des permissions a été augmenté ce matin et si elles continuent à ce train je pourrais espérer partir au mois d’octobre. Mais il y a toujours tant d’imprévus qu’il ne faut pas y compter. Je viens de recevoir à l’instant la lettre de Marie me demandant des nouvelles de Pinsolle du 418e.  Si ce régiment était toujours dans la division, j’aurais eu très vite des renseignements mais tu sais bien qu’il nous a quittés vers le 10 juillet et qu’il a été affecté à une autre division. Où est-il parti, je n’en sais rien. Il a été remplacé chez nous par des spahis marocains, ce qui fait que nous n’avons plus que des troupes d’Afrique : 9e de zouaves, 1e   et tirailleurs marocains. Tout ce que j’ai pu faire c’est écrire à un de mes camarades du 418e. Au temps qu’il me réponde il est probable que la famille aura été avertie officiellement de son décès, de sa disparition, ou bien lui-même aura écrit s’il est prisonnier.

Nous avons eu hier soir un gros orage. S’il a plu à la maison comme ici vous n’en aurez pas été fâchés je crois. J’ai oublié quand je t’ai demandé les sandales de te dire de m’envoyer aussi une serviette. Je voudrais bien autre chose mais j’ai peur que ce soit bien cher maintenant : un maillot de football. Avant la guerre c’était 4 ou 5 francs. Maintenant je ne sais pas. Il me le faudrait tout rouge avec un col ouvert comme celui que j’avais et qu’on m’a perdu l’année dernière. Il y a je crois un magasin d’articles des sport en face du casino à Dax. Marie le trouvera aussi à Biarritz ou Bayonne puisqu’elle y va. Si elle n’en trouvait pas de  rouge qu’elle n’en achète pas. Si tu vois Dupouy il vous donnera des nouvelles toutes fraîches d’ici. Il te dira comment nous sommes et combien nous sommes heureux après les fatigues des mois derniers.

 

Mercredi 28 août 1918

Je reçois une lettre partie le 12 ! Tu avais mal écrit 165 et elle est allée se trouver au secteur 161 et 167 ! C’est déjà arrivé pour une lettre de Marie. Faites bien attention d’écrire l’adresse très lisiblement C’est dans cette lettre que tu m’annonçais l’arrivée de Fernand et la chasse de Marc au sanglier. A propos est-ce que cette année elle est ouverte la chasse ? Si les permissions marchaient tout le temps au train où elles  vont, chose peu probable car nous ne resterons pas ici éternellement, je repartirais vers la fin octobre, mais d’ici là, il est bien probable que nous serons remontés en ligne et je n’aurais pas encore la chance d’aller tirer quelques palombes.

Que faites-vous à la maison ? Je me demande  si vous avez dépiqué et comment s’est faite la réquisition. J’espère que tante Emma va à peu près. ….

 

Jeudi 29 août 1918

J’ai eu aujourd’hui des nouvelles un peu plus fraîches. J’ai eu ta lettre du 26, je t’en remercie beaucoup ainsi que Marie de sa carte de Maylis.
Leymarie n’a guère de nouvelles. On ne parle plus guère de rappel. Maintenant que nous sommes au repos et que nous avons donné les plus rudes coups, j’aimerais autant que ça ne mène qu’en octobre ou novembre pour passer la plus mauvaise saison à l’abri. L’hiver est dur en ligne. J’aurais  bien pu attendre quelques jours de plus pour le portefeuille. Jusqu’à ce que Marie soit à Biarritz. Ce n’était pas la peine de dérange monsieur Goydadin. Je vais le recevoir probablement ces jours-ci et t’en remercie beaucoup. Les nuits commencent à être fraîches. L’eau n’est plus très chaude aussi je ne me baigne guère plus. Nous faisons quelque peu de football, ça fait passer le temps. Dupouy doit être rendu depuis hier soir et vous aura donné des nouvelles toutes fraîches.

 

Samedi 31 août 1918

Le portefeuille m’est arrivé hier. J’écris à Mme Goydadin pour l’en remercier, ainsi que de son invitation d’aller passer une journée à Paris. Il est très difficile d’avoir une permission et d’ailleurs ça ne me tente pas du tout. Je m’étonne que le « Groupement » t’ait envoyé ces renseignements à propos de notre rappel car Leymarie ne sait rien et s’il y avait quelque chose de certain son père lui en aurait sûrement parlé. Vous devez être débarrassés du battage. Je me demande combien vous avez eu de sacs. On dit que la récolte a été très bonne. Le reste, paraît-il a beaucoup souffert de la chaleur et ça ne m’étonne pas. J’ai bien pensé que les haricots seraient très vite ramassés cette année.

Les permissions marchaient trop bien : on les a ramenées à 13%. Ça fait une différence et il ne faut pas que je compte partir en octobre comme je l’espérais.

 

Dimanche 8 septembre 1918

Leymarie a reçu une lettre de son père où il lui parle du rappel. Ça devait se faire le 1er septembre mais comme on est déjà le 8 et que rien n’est venu je suppose que c’est une mesure renvoyée à plus tard. Tant que nous sommes ici rien ne presse. Nous menons toujours une vie très tranquille. Souhaitons que notre séjour se prolonge.

 

Une lettre écrite de Paris le 20 août 1918

Chère Madame, Nous sommes un peu remis d’un voyage horriblement fatigant tellement il y avait de monde je ne veux pas tarder plus à vous adresser nos affectueux remerciements en même temps que nos vœux de fête, que vos plus chers désirs se réalisent surtout en ce qui concerne Monsieur Joseph puisque votre pensée ne le quitte pas.

Mon mari vous est très reconnaissant de l’amitié que vous nous avez témoignée ainsi que monsieur Marc et Marie. Il a trouvé le gâteau parfaitement réussi et d’un goût exquis.

Toutes les bonnes choses que vous nous avez données font les délices de mon mari qui n’est pas habitué à goûter des produits du midi.

Ici j’ai repris mon travail aujourd’hui mais il faut que je m’y remette, mon esprit est encore à Lahosse sans doute. Mon mari est heureux de mon retour, cela va sans dire, il a trouvé André bien grandi et fortifié.

Le temps est assez gris ici mais c’est calme et on espère que les boches sont en préparation sans doute, d’un recul. Espérons que tout ira bien…..

Madeleine

Son époux, qui signe Goydadin, ajoute quelques lignes. Il tutoie Jeanne Daverat.

 

Une lettre non datée (Arsague mardi matin)

Bien chère tante

Tout d’abord Edouard et tante étaient décidés à accepter votre gracieuse invitation qui leur aurait fourni le plaisir de voir joseph et de passer quelques heures avec vous. .. Joseph voit trop rapidement passer sa permission qui est déjà presque achevée, plus que jamais nos pauvres soldats trouvent leur home agréable et bon.

Votre nièce affectionnée. M Prat

 

Et une lettre adressée à Marc de Louis Arribehaute. Louis Arribehaute est le fils de Charles Arribehaute et Catherine Singlet. Le couple s’est marié à Lahosse puis s’est installé à Paris. Charles est « garçon de magasin ».

Gasny 1er décembre (1914 je suppose)

Mon cher Marc

Tu dois te demander ce que je deviens depuis plus d’un mois que je t’ai laissé sans nouvelles. Je ne crois pas me rappeler que je t’ai annoncé que j’ai quitté l’hôpital de Vernon pour venir à Gasny, petite localité de l’Eure située à 9 km de Vernon et très agréable. J’ai trouvé ici tous les soins et le confort que l’on peut imaginer. Je suis dans un hôpital auxiliaire organisé par l’association des dames françaises. Nous sommes là vraiment en famille, plutôt en villégiature qu’en convalescence. Quand le temps le permet on fait une petite excursion en auto.

Ma blessure est complètement cicatrisée et je vais beaucoup mieux mais je boîte toujours un peu néanmoins. Je suis très heureux d’avoir quitté le lit où je commençais à m’ennuyer terriblement, pour pouvoir faire chaque jour une petite promenade. Le matin, après un excellent petit déjeuner c’est la lecture des journaux que l’on nous offre gracieusement, puis c’est l’attente du facteur  qui apporte les nouvelles de la famille et des amis. Ensuite nous attendons le déjeuner, courte promenade pour prendre l’air. L’après-midi petite excursion ou, s’il fait mauvais temps, jeux et lecture. Pour le moment je fais de la photo, on m’a prêt é tout ce qu’il fallait et j’ai installé une petite chambre noire. Le dimanche nous allons tous assister à la messe, le curé nous gâte en nous faisant goûter quelques unes de ses vieilles bouteilles. La semaine, il vient de temps en temps bavarder avec nous et sa poche est toujours garnie de  cigarettes. Vois-tu cher ami que je ne suis pas à plaindre.

En plus de ça la famille de mon beau-frère possède une cousine à Gasny avec qui j’ai fait connaissance. Et dernièrement j’ai eu le plaisir de déjeuner chez elle en compagnie de maman et de la sœur de Joseph.  J’ai passé une délicieuse journée, cela me semblait si bon de me retrouver en famille.

Maintenant que je te donne des nouvelles des uns et des autres. Joseph est toujours à Limoges. Il va de temps en temps en permission au Mazendrun. Louise doit rentrer à Paris dans le courant de la semaine. Charles est aux environs de  Soissons. Il est dans l’inaction la plus complète et a considérablement maigri mais ce n’est pas là un mal ! A Paris, maman, ma belle-sœur et les enfants sont en excellente santé. Tout le monde désire que cette guerre se termine au plus vite. Les jours se passent sans qu’on puisse prévoir une fin prochaine.

J’adresse mes amitiés à ta mère et tes frères et sœur. Est-ce que Joseph dont on m’avait annoncé l’intention de s’engager, est parti ?

 

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